Comprendre la colère chez l'enfant
- Katryne Beaupré
Ton enfant pique des colères et tu ne sais pas comment réagir ? Et si nous changions notre regard sur cette émotion ?
La colère est une émotion souvent mal perçue, mais elle joue un rôle clé dans le développement de l’enfant et dans la vie de l’être humain. Elle a plusieurs fonctions qui seront vues dans cet article. Étant donné que c’est une émotion perçue comme étant désagréable et qui entraine des comportements non acceptables socialement, les méthodes éducatives d’autrefois tendaient au refoulement de cette émotion :
- ‘’Va dans ta chambre, tu reviendras quand tu seras calme’’. (Information enregistrée par l’enfant : ma colère n’est pas acceptable, je me fais rejeter lorsque je suis en colère).
- ''Arrête tout de suite, sinon tu n’auras pas (activité, écrans, privilège prévu, etc.)''. (Information enregistrée par l’enfant : ma colère n’est pas acceptable, je suis puni lorsque je suis en colère).
Bon ok, j’ai dit ‘’autrefois’’ mais toi et moi savons que nous le faisons encore aujourd’hui par réflexe, voulant ‘’bien élever’’ nos enfants ou encore, parce que nous n’avons pas d’autres façons de faire pour le moment. Voyons ensemble comment faire pour éviter le refoulement et en arriver à une acceptation de la colère, tout en enseignant des comportements adaptés aux enfants.
La colère, une émotion normale et nécessaire
La colère est une réponse naturelle du cerveau face à une frustration ou une menace perçue. Lorsqu’un obstacle se dresse entre toi et un besoin, ou lorsque tu ressens une injustice, ton cerveau active un mécanisme de défense. Cette réaction est principalement gérée par l’amygdale, une petite structure du cerveau qui détecte le danger et déclenche une cascade de réactions physiologiques.
En d’autres mots, quand ton enfant se fait voler un jouet, se fait dire non ou encore que tu lui demandes quelque chose qu’il n’a pas du tout envie de faire (devoirs, ménages, etc.), l’amygdale envoie un signal d’alarme et la colère se déclenche, c’est un processus naturel. La colère n’est donc ni une « mauvaise » ni une « bonne » émotion. Elle est simplement un signal que quelque chose ne va pas, qu’un besoin ou une limite n’est pas respecté. Ce qui pose problème, ce n’est pas la colère en elle-même, mais la manière dont elle est exprimée.
Mieux comprendre ce qui se cache derrière les colères de ton enfant te permettra d’intervenir à la source et de garder ton calme plus facilement. Voici donc les 3 principales fonctions de la colère chez l’enfant.
Les principales fonctions de la colère chez l'enfant
Exprimer un besoin non satisfait
• Ex. : c’est le matin, tu es pressé et tu décides d’aider ton enfant de 3 ans à s’habiller pour gagner du temps. Il explose en criant qu’il veut le faire tout seul, te voilà pris avec une crise à gérer (besoin d’autonomie).
• Ex. : tu demandes à ton enfant de 4 ans de brosser ses dents et de s’habiller avant de venir déjeuner. Il s’oppose et devient irritable, ceci perdure tout le reste de la routine matinale (besoin de contrôle, très présent d’ailleurs à l’âge de 4 ans).
• Ex. : Ton enfant de 8 ans joue à un jeu de société avec sa sœur, mais il a l’impression qu’elle a triché ou que les règles ne sont pas appliquées équitablement. Frustré, il se met en colère, crie « Ce n’est pas juste ! », renverse le plateau de jeu ou refuse de continuer à jouer. (Besoin de justice)
Pour accompagner ton enfant dans ses besoins, tu peux : nommer le besoin que tu vois qui pourrait ne pas être répondu, proposer une solution et lui enseigner à s’exprimer avec douceur.
Apprendre à poser ses limites
• Ex. : Un enfant de 2 ans joue avec des blocs lorsqu'un autre enfant tente de lui prendre un jouet des mains. Il s'accroche au jouet et crie « Non ! », puis se met à pleurer et à taper par frustration. Il exprime ainsi son besoin de protéger ses affaires, mais ne sait pas encore comment le faire autrement que par la colère.
• Un enfant de 6 ans joue tranquillement à un jeu de société avec un ami, mais ce dernier triche ou ne respecte pas les règles. L'enfant s'énerve, hausse la voix et refuse de continuer à jouer. Il exprime sa colère parce qu'il veut que le jeu soit équitable et que ses règles soient respectées.
• Un enfant de 8 ans est en train de lire dans sa chambre quand son petit frère entre brusquement sans frapper. Il lui dit de sortir, mais son frère insiste pour rester. Frustré, l’enfant crie et claque la porte derrière lui. Sa colère vient du fait qu'il cherche à affirmer son besoin d'intimité et à faire respecter son espace personnel.
Pour accompagner ton enfant, tu peux lui apprendre à nommer ses émotions et ses besoins, lui enseigner des moyens d’apaisement et chercher des solutions avec lui (qu’est-ce qu’on pourrait faire dans cette situation?). Dès l’âge de 4 ans, on peut enseigner la résolution de conflits aux enfants en leur demandant de chercher des solutions et en leur proposant des trucs (roche-papier-ciseaux, chacun son tour, faire un échange, etc.).
Évacuer un trop-plein émotionnel
• Après une longue journée à la garderie avec beaucoup de stimulations (bruits, interactions, activités), un enfant de 4 ans rentre à la maison et refuse d’enlever son manteau. Lorsque son parent insiste, il éclate en pleurs, crie et se jette par terre. Sa colère est en fait une réaction à la fatigue et à l’accumulation d’émotions non exprimées durant la journée.
• Un enfant de 6 ans passe l’après-midi à une fête d’anniversaire avec beaucoup de jeux, de rires et de friandises. À son retour, son parent lui demande de ranger ses chaussures, mais il explose : il lance ses souliers et crie qu’il ne veut pas. Il ne s’agit pas d’un refus intentionnel, mais d’un débordement émotionnel après une journée trop stimulante.
• Après une journée d’école bien remplie et un entraînement sportif exigeant, un enfant de 8 ans rentre à la maison et se met à pleurer et hurler parce que son parent lui demande de faire ses devoirs. Il s’énerve, jette son crayon et refuse toute demande. Son comportement est un signe qu’il a dépassé ses limites physiques et émotionnelles, et qu’il aurait besoin d’un temps de pause avant d’affronter une nouvelle tâche.
Pour accompagner ton enfant, tu peux l’aider à prendre conscience de ses limites sensorielles en lui demandant régulièrement ce qu’il sent dans son corps (as-tu des chatouilles dans le ventre? Que ressens-tu dans tes bras/ tes jambes? As-tu une tornade dans ton cœur?). Lors d’une crise de décharge, l’enfant a besoin d’un parent qui l’accueille pour qu’il puisse décharger. Il a besoin d’un endroit où il peut vivre librement ses émotions. Se montrer accueillant, proposer des moyens et garder son calme pendant la tempête l’aidera à se sentir sécurisé.
Comment accompagner un enfant en colère?
• Reconnaître et nommer l’émotion : "Je vois que tu es très en colère, tu aurais aimé que…"
• Mettre des mots sur ce qu’il ressent pour l’aider à mieux l’exprimer.
• Ne pas réprimer, mais canaliser : proposer des outils concrets comme le coin de retour au calme, la respiration, ou les objets sensoriels.
• Montrer l’exemple en tant que parent : "Je suis fâché, je vais respirer un moment avant de te répondre.
En conclusion, la colère est une émotion normale et qui est difficile à gérer pour l’enfant tant que son cerveau n’a pas atteint un certain niveau de maturité. Il a besoin que son parent l’accompagne dans ses tempêtes, de se sentir soutenu, accueilli et sécurisé même si cette émotion est désagréable à recevoir.
Si tu désires aller plus loin dans tes réflexions et avoir des outils concrets à appliquer pour t’aider à t'approprier une approche parentale accueillante face aux colères de ton enfant, je t’invite à consulter la trousse sur la gestion de la colère juste ici. Cette trousse comprend un guide complet pour t’accompagner pas à pas.